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cette chose en chair la rattachait à l’existence, et rien que de l’appuyer contre elle, toute la fièvre de son corps se noyait dans une sensation de fraîcheur réconfortante. Plus de deuil, plus de misère ! Son enfant, son garçon, ce désir, ce regret qu’elle avait dix ans enduré, qui lui brûlait les yeux de larmes, dès qu’elle regardait les enfants des autres, ce petit qu’elle avait embrassé d’avance sur tant de mignonnes joues roses ! Il était là et lui causait un ravissement nouveau, une surprise, chaque fois que de son lit elle se penchait vers le berceau, écartait les mousselines sur le sommeil à peine entendu, les poses frileuses et recroquevillées du nouveau-né. Elle le voulait toujours près d’elle. Quand il sortait, elle s’inquiétait, comptait les minutes, mais jamais avec tant d’angoisse que ce matin du baptême.

« Quelle heure est-il ?… demandait-elle à chaque instant… Comme ils tardent !… Dieu ! que c’est long… »

Madame Le Quesnoy, restée près de sa fille, la rassurait, elle-même un peu tourmentée, car ce petit-fils, le premier, l’unique, tenait bien fort au cœur des grands-parents, éclairait leur deuil d’une espérance.

Une rumeur lointaine qui se rapprochait en grondant redoubla l’inquiétude des deux femmes.

On va voir, on écoute. Des chants, des détonations, des clameurs, des cloches en branle. Et tout à coup l’Anglaise qui regardait dehors :

— Madame, c’est le baptême !

C’était le baptême, ce tumulte d’émeute, ces