Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/32

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le quartier Latin l’émoustilla un peu ; il n’y avait pourtant pas de quoi. Comme tous ses compatriotes, Numa s’installait, en arrivant, au café Malmus, haute et tumultueuse baraque, développant ses trois étages de vitres, larges comme celles d’un magasin de nouveautés, au coin de la rue du Four-Saint-Germain, qu’elle remplissait du fracas de ses billards et des vociférations d’une clientèle de cannibales. Tout le Midi français s’épanouissait là, dans ses nuances diverses : Midi gascon, Midi provençal, de Bordeaux, de Toulouse, de Marseille, Midi périgourdin, auvergnat, ariégeois, ardéchois, pyrénéen, des noms en as, en us, en ac, éclatants, ronflants et barbares, Etcheverry, Terminarias, Bentaboulech, Laboulbène, des noms qui semblaient jaillir de la gueule d’une escopette ou partaient comme un coup de mine, dans une accentuation féroce. Et quels éclats de voix, rien que pour demander une demi-tasse, quel fracas de gros rires pareils à l’écroulement d’un tombereau de pierres, quelles barbes gigantesques, trop drues, trop noires, à reflets bleus, des barbes qui déconcertaient le rasoir, montaient jusqu’aux yeux, rejoignaient les sourcils, sortaient en frisons de bourre du nez chevalin large ouvert et des oreilles, mais ne parvenaient pas à dissimuler la jeunesse, l’innocence des bonnes faces naïves blotties sous ces végétations.

En dehors des cours qu’ils suivaient assidûment, tous ces étudiants passaient leur vie chez Malmus, se groupant par provinces, par clochers, autour de tables désignées de longue date et qui devaient garder