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entendit rire, fit deux pas et vit ceci qu’elle n’oublia plus jamais :

Au palier du premier étage, Numa se penchait sur la rampe, rouge, allumé, en bras de chemise, tenant par la taille cette fille, très excitée aussi, les cheveux dans le dos sur les fanfreluches d’un déshabillé de foulard rose. Et il criait de son accent débridé :

« Bompard, monte la brandade !… »

C’est là qu’il fallait le voir, le ministre de l’Instruction Publique et des Cultes, le grand marchand de morale religieuse, le défenseur des saines doctrines, là qu’il se montrait sans masque et sans grimaces, tout son Midi dehors, à l’aise et débraillé comme en foire de Beaucaire.

« Bompard, monte la brandade !… » répéta la drôlesse, exagérant exprès l’intonation marseillaise. Bompard, c’était sans doute ce marmiton improvisé, surgissant de l’office, la serviette en sautoir, les bras arrondis autour d’un grand plat, et que fit retourner le battant sonore de la porte.