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de voûte du premier étage, pendant que le tambourinaire et les derniers farandoleurs piétinaient encore dans le cirque. En route, la ronde s’allongeait de tous ceux que le rythme entraînait de force à la suite. Qui donc parmi ces Provençaux aurait pu résister au flûtet magique de Valmajour ? Porté, lancé par des rebondissements du tambourin, on l’entendait à la fois à tous les étages, passant les grilles et les soupiraux descellés, dominant les exclamations de la foule. Et la farandole montait, montait, arrivait aux galeries supérieures que le soleil bordait encore d’une lumière fauve. L’immense défilé des danseurs bondissants et graves découpait alors sur les hautes baies cintrées du pourtour, dans la chaude vibration de cette fin d’après-midi de juillet, une suite de fines silhouettes, animait sur la pierre antique un de ces bas-reliefs comme il en court au fronton dégradé des temples.

En bas, sur l’estrade désemplie, – car on partait et la danse prenait plus de grandeur au-dessus des gradins vides, – le bon Numa demandait à sa femme en lui jetant un petit châle de dentelle sur les épaules pour le frais du soir :

— Est-ce beau, voyons ?… Est-ce beau ?…

— Très beau, fit la Parisienne, remuée cette fois jusqu’au fond de sa nature artiste.

Et le grand homme d’Aps semblait plus fier de cette approbation que des hommages bruyants dont on l’étourdissait depuis deux heures.