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de mouches, attirées par tout le sucre de ces fruits, de ces bonbons, de ces pâtisseries presque orientales, bourdonnaient même au milieu de l’hiver conservées dans cette chaleur cuite. Et lorsqu’un Parisien fourvoyé s’impatientait du lambinage du service, de l’indifférence distraite de ces boutiquiers continuant à faire la causette d’une banque à l’autre, tout en pesant et ficelant de travers, il fallait voir comme on vous le rembarrait dans l’accent du cru :

« Té ! vé, si vous êtes pressé, la porte elle est ouverte, et le tramway il passe devant, vous savez bien. »

Dans ce milieu de compatriotes, le père Valmajour fut reçu à bras ouverts. M. et madame Mèfre se rappelaient l’avoir vu dans les temps en foire de Beaucaire, à un concours de tambourins. Entre vieilles gens du Midi, cette foire de Beaucaire, aujourd’hui tombée, n’existant que de nom, est restée comme un lien de fraternité maçonnique. Dans nos provinces méridionales, elle était la féerie de l’année, la distraction de toutes ces existences racornies ; on s’y préparait longtemps à l’avance, et longtemps après on en causait. On la promettait en récompense à la femme, aux enfants, leur rapportant toujours, si on ne pouvait les emmener, une dentelle espagnole, un jouet qu’on trouvait au fond de la malle. La foire de Beaucaire, c’était encore, sous un prétexte de commerce, quinze jours, un mois de la vie libre, exubérante, imprévue, d’un campement bohémien. On couchait çà et là chez l’habitant, dans