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danses ondulantes et lascives, sous des feux de Bengale arc-en-ciel allant jusqu’aux souliers pointus du troubadour qui continuait sa mimique de tambourin devant le château de ses aïeux dans une gloire d’apothéose…

Et c’était cela le roman d’Hortense ! Voilà ce que Paris en avait fait.

…Le timbre clair du vieux cartel, accroché dans sa chambre, ayant sonné une heure, elle se leva de la causeuse où elle était tombée anéantie en rentrant, regarda tout autour son doux nid de vierge, aux rassurantes tiédeurs d’un feu mourant, d’une veilleuse assoupie.

« Qu’est-ce que je fais donc là ? Pourquoi ne suis-je pas couchée ? »

Elle ne se souvenait plus, gardant seulement une courbature meurtrie de tout son être, et, dans sa tête, une rumeur qui lui battait le front. Elle fit deux pas, s’aperçut qu’elle avait encore son chapeau, son manteau, et tout lui revint. Le départ de là-bas après le rideau tombé, leur retour par le hideux marché plus allumé vers la fin, des bookmakers ivres se battant devant un comptoir, des voix cyniques chuchotant un chiffre sur son passage, puis la scène d’Audiberte à la sortie, voulant qu’elle vînt féliciter son frère, sa colère dans le fiacre, les injures que cette créature lui jetait pour s’humilier ensuite, lui baiser les mains en excuse ; tout cela confondu et dansant dans sa mémoire avec des cabrioles de clowns, des discordances de cloches, de cymbales, de crécelles, des montées de flammes