Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/266

Cette page n’a pas encore été corrigée

cavalier Hadjoute. La jeune fille aurait pu en être touchée ; mais le pauvre garçon paraissait décidément trop nul. Il ne savait que lisser le poil de son feutre en racontant ses succès au noble faubourg ou des rivalités d’acteur. Il lui parla un jour, pendant une heure, de la grossièreté du beau Mayol qui s’était abstenu de le féliciter après un concert, et il répétait tout le temps :

— C’est ça, votre Mayol !… Bé ! il n’est pas poli, votre Mayol.

Et toujours les attitudes surveillantes d’Audiberte, sa sévérité de gendarme de la morale, en face de ces deux amoureux à froid. Ah ! si elle avait pu deviner, dans l’âme d’Hortense, la terreur, le dégoût de son effroyable méprise !

— Hou ! la caponne… la caponne… lui disait-elle quelquefois en essayant de rire avec de la colère plein les yeux, car elle trouvait que l’affaire traînait trop et croyait que la jeune fille hésitait à affronter les reproches, les répugnances de ses parents. Comme si cela eût compté pour cette libre et fière nature avec un amour vrai au cœur mais comment dire : « Je l’aime… » et s’armer, se monter, combattre quand on n’aime pas ?

Pourtant elle avait promis, et chaque jour on la harcelait de nouvelles exigences ; ainsi cette « première » du Skating où la paysanne voulait l’emmener à toute force, comptant sur le succès, l’entraînement des bravos pour tout enlever. Et, après une longue résistance, la pauvre petite avait fini par consentir à cette sortie du soir en cachette de sa mère avec des mensonges, des complicités