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chavirent, l’avait changé, rendu nerveux, volontaire, irritable.

Une porte sous tenture s’ouvrit, madame Roumestan parut, prête à sortir, élégamment coiffée, un ample manteau dissimulant sa taille. Et de cet air de sérénité qui, depuis cinq mois, éclairait son joli, visage : « Est-ce que tu as conseil aujourd’hui ?… Bonjour, monsieur Méjean.

— Mais oui… Conseil… séance… Tout !

— Moi qui voulais te demander de venir jusque chez maman… J’y déjeune… Hortense aurait été si contente.

— Tu vois, ce n’est pas possible. »

Il regarda sa montre :

— Je dois être à Versailles à midi.

— Alors je t’attends, je te conduirai à la gare.

Il hésita une seconde, rien qu’une seconde.

— Bien… Je signe ceci, et nous partons.

Pendant qu’il écrivait, Rosalie donnait tout bas à Méjean des nouvelles de sa sœur. Le retour de l’hiver l’impressionnait, on lui défendait de sortir. Pourquoi n’allait-il pas la voir ? Elle avait besoin de tous ses amis. Méjean eut un geste de tristesse découragée : « Oh ! moi…

— Mais si… mais si… Tout n’est pas dit pour vous. Ce n’est qu’un caprice ; je suis sûre qu’il ne tiendra pas. »

Elle voyait les choses en beau et voulait tout son monde heureux comme elle. Oh ! si heureuse et d’un bonheur si complet qu’elle mettait une discrète superstition à n’en jamais convenir. Roumestan, lui, contait partout son aventure, aux