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« Mon discours !… C’est mon discours… Je le tiens… Superbe ! Le Château-Bayard, une légende locale… Quinze jours que je le cherche… Et le voilà !

— C’est providentiel, cria madame Bachellery pleine d’admiration, trouvant tout de même la fin du déjeuner un peu grave… Quel homme ! Quel homme ! »

La petite paraissait aussi très montée ; mais l’impressionnable Roumestan n’y prenait pas garde. L’orateur bouillonnait sous son front, dans sa poitrine, et tout à son idée :

« Le beau, disait-il en cherchant autour de lui, le beau serait de dater la chose de Château-Bayard…

— Si c’est que monsieur l’avocat voudrait un petit coin pour écrire…

— Oh ! seulement quelques notes à jeter… Vous permettez, mesdames… Le temps qu’on vous serve le café… Je reviens… C’est pour pouvoir mettre ma date sans mentir. »

La servante l’installa dans une petite pièce du rez-de-chaussée très ancienne, dont la voûte arrondie en dôme garde des fragments de dorure et qu’on prétend avoir été l’oratoire de Bayard, de même que la vaste salle voisine avec un grand lit de paysan à baldaquin et rideaux de perse est présentée comme sa chambre à coucher.

Il faisait bon écrire entre ces épaisses murailles que la lourdeur du temps ne pénétrait pas, derrière cette porte-fenêtre entrebâillée jetant en travers de la page la lumière, les parfums du petit