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manquent pas. Il y a des écriteaux à chaque porte, à chaque étage, se balançant dans les glycines entre des rideaux clairs et tentateurs. À se demander vraiment ce que les habitants deviennent pendant la saison. Campent-ils en troupeaux sur les montagnes environnantes, ou bien vont-ils vivre à l’hôtel à cinquante francs par jour ? Cela m’étonnerait, car il me semble terriblement rapace cet aimant qu’ils ont dans l’œil quand ils regardent le baigneur, – quelque chose qui luit et qui accroche. Et ce luisant-là, l’éclair brusque sur le front de mon petit goitreux, le reflet de sa pièce blanche, je le retrouve partout. Dans les lunettes du petit médecin frétillant qui m’ausculte tous les matins, dans l’œil des bonnes dames doucereuses vous invitant à visiter leurs maisons, leurs petits jardins bien commodes, remplis de trous pleins d’eau et de cuisines au rez-de-chaussée pour des appartements au troisième étage, dans l’œil des voituriers en blouses courtes, chapeaux cirés à grands rubans, qui vous font signe du haut de leurs corricolos de louage, dans le regard du petit ânier debout devant l’écurie large ouverte où remuent de longues oreilles, même dans celui des ânes, oui, dans ce grand regard d’entêtement et de douceur, cette dureté de métal que donne l’amour de l’argent, je l’ai vue, elle existe.

Du reste, elles sont affreuses, leurs maisons, encaissées, tristes, sans horizon, riches en inconvénients de toute sorte qu’il n’est pas permis d’ignorer, puisqu’on vous les signale dans la maison voisine. Nous nous en tiendrons décidément à notre