Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/199

Cette page n’a pas encore été corrigée

étrangers. Les jeunes personnes arborent des romans anglais à couverture rouge, des prêtres lisent leur bréviaire, – il y a beaucoup de prêtres à Arvillard, surtout des missionnaires, avec de grandes barbes, des figures jaunes, des voix éteintes d’avoir longtemps prêché la parole de Dieu ; – quant à moi, tu sais que les romans ne sont pas mon affaire, surtout ces romans de maintenant où tout se passe comme dans la vie. Alors je fais ma correspondance à deux ou trois victimes désignées, Marie Tournier, Aurélie Dansaert, et toi, ma grande sœur que j’adore. Attendez-vous à de vrais journaux. Pense donc ! deux heures d’inhalation en quatre fois, tous les jours ! Personne ici n’inhale autant que moi, c’est-à-dire que je suis un vrai phénomène. On me regarde beaucoup à cause de cela et j’en ai quelque fierté.

Pas d’autre traitement, du reste, à part le verre d’eau minérale que je vais boire à la source matin et soir et qui doit triompher du voile obstiné que ce vilain rhume m’a laissé sur la voix. C’est la spécialité des eaux d’Arvillard ; aussi les chanteuses et les chanteurs se donnent-ils rendez-vous ici. Le beau Mayol vient de nous quitter avec des cordes vocales toutes neuves. Mademoiselle Bachellery, tu sais, la petite diva de votre fête, se trouve si bien du traitement qu’après avoir fini les trois semaines réglementaires, elle en recommence trois autres, ce dont le Journal des Baigneurs la loue beaucoup. Nous avons l’honneur d’habiter le même hôtel que cette jeune et illustre personne, affublée d’une tendre mère de Bordeaux qui à table d’hôte réclame