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timidement dans un coin, au bord d’une chaise, elle se faufilait au salon, s’installait, toujours nette et bien coiffée, à une place de parente pauvre. Hortense en raffolait, la montrait à ses amies comme un joli bibelot rapporté de cette Provence dont elle parlait avec passion. Et l’autre, se faisant plus simple que nature, exagérait ses effarements de sauvage, ses colères à poings fermés contre le ciel boueux de Paris, s’exclamait d’un « Boudiou » très gentil dont elle soignait l’effet comme une ingénue de théâtre. Le président lui-même en souriait, de ce boudiou. Et faire sourire le président !…

Mais c’est chez la jeune fille, seule avec elle, qu’elle mettait en jeu toutes ses câlineries. Tout à coup elle s’agenouillait à ses pieds, lui prenait les mains, s’extasiait sur les moindres grâces de sa toilette, la façon de nouer un ruban, de se coiffer, laissant échapper de ces lourds compliments en plein visage qui font plaisir quand même, tellement ils paraissent naïfs et spontanés. Oh ! quand la demoiselle était descendue de voiture devant le mas, elle avait cru voir la reine des anges en personne, qu’elle n’en pouvait plus parler de saisissement. Et son frère, pécaïré, en entendant le carrosse qui ramenait la Parisienne crier sur les pierres de la descente, il disait que c’était comme si ces pierres lui tombaient une à une sur le cœur.

Elle en jouait de ce frère, et de ses fiertés, de ses inquiétudes… Des inquiétudes, pourquoi ? je vous demande un peu… Depuis la soirée du menistre, on parlait de lui sur tous les journaux, on mettait son portrait partout. Et des