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pas de ces colères. Elle jouait à l’enfant au milieu d’un groupe de jeunes gommeux, riant, papillonnant, mordant à pleines dents blanches, comme un écolier tourmenté d’une faim de croissance, dans un petit pain au jambon. Elle essayait le flûtet de Valmajour.

— Voyez donc, m’sieu le ministre !

Puis, apercevant Cadaillac derrière Son Excellence, elle lui tendit avec une pirouette son front de petite fille à baiser.

— B’jou, m’n’oncle…

C’était une parenté de fantaisie, une adoption de coulisse.

— La fausse étourdie ! grogna le bon montreur sous sa moustache blanche, mais pas trop haut, car elle allait probablement devenir sa pensionnaire et une pensionnaire influente.

Valmajour, l’air fat, très entouré de femmes, de journalistes, se tenait debout devant la cheminée. Le correspondant étranger l’interrogeait brutalement, non plus de ce ton patelin dont il scrutait les ministres dans les audiences particulières ; mais sans se troubler, le paysan lui répondait par le récit stéréotypé sur ses lèvres : « Ce m’est vénu de nuit, en écoutant çanter le rossignoou… » Il fut interrompu par mademoiselle Le Quesnoy, qui lui tendait un verre et une assiette remplis à son intention.

« Bonjour, monsieur… Et moi aussi, je vous apporte le grand-boire. » Elle avait coupé son effet. Il lui répondit d’un léger mouvement de tête, en lui montrant la cheminée : « Va bien… va bien…