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dans cette majestueuse idole au masque bouffi et impénétrable, dont l’œil seul racontait le Parisien blagueur, sa science féroce de la vie, son esprit en bâton d’épine ferré au bout, durci au feu de la rampe. Mais, satisfait, repu, craignant sur toute chose d’être délogé de sa direction à fin de bail, il rentrait ses ongles, parlait peu, surtout ici, se contentait de souligner ses observations sur la comédie officielle et mondaine du rire silencieux de Bas-de-Cuir.

« Boissaric, mon enfant, demandait-il tout bas à un jeune et intrigant Toulousain qui venait de faire jouer un ballet à l’Opéra après seulement dix ans de carton, ce que personne ne voulait croire, – Boissaric, toi qui sais tout, dis-moi le nom de ce solennel personnage à moustaches qui cause familièrement avec tout le monde et marche derrière son nez d’un air recueilli comme s’il allait à l’enterrement de cet accessoire… Il doit être du bâtiment, car il m’a parlé théâtre avec une certaine autorité.

— Je ne pense pas, patron… Plutôt un diplomate. Je l’entendais dire tout à l’heure au ministre de Belgique qu’ils avaient été longtemps collègues.

— Vous vous trompez, Boissaric… Ce doit être un général étranger. Il pérorait, il n’y a qu’un instant, dans un groupe de grosses épaulettes et disait très haut : « Il faut n’avoir jamais eu un grand commandement militaire… »

— Étrange !

Lappara, consulté au passage, se mit à rire :

— Mais c’est Bompard.