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spécialement des Beaux-Arts, envoyant à toute heure des estafettes, dragons, cuirassiers, porter aux demoiselles des petits théâtres des invitations à souper sous de grandes enveloppes ministérielles ; quelquefois même l’enveloppe ne contenait rien, n’était qu’un prétexte à montrer, au lendemain d’un terme impayé, le rassurant cuirassier du ministère. M. le baron fit au joueur de tambourin l’accueil bon enfant, un peu hautain, d’un grand seigneur recevant un de ses tenanciers. Les jambes allongées de peur des cassures à son pantalon bleu de France, il lui parla du bout des lèvres, sans cesser de polir, de limer ses ongles.

— Bien difficile en ce moment… le ministre si occupé… Bientôt, dans quelques jours… On vous préviendra, mon brave homme.

Et comme le musicien avouait naïvement que ça pressait un peu, que leurs ressources ne dureraient pas toujours, M. le baron, de son air le plus sérieux, en posant sa lime au bord du bureau, l’engagea à mettre un tourniquet à son tambourin…

— Un tourniquet au tambourin ? Pourquoi faire ?

— Parbleu, mon bon, pour l’utiliser comme boîte à plaisirs pendant la morte-saison !…

À la visite suivante, Valmajour eut affaire au vicomte de Rochemaure. Celui-ci leva d’un dossier poudreux où elle disparaissait tout entière, sa tête frisée au petit fer, se fit expliquer consciencieusement le mécanisme du flûtet, prit des notes, essaya de comprendre, et déclara, pour finir, qu’il était