Page:Daudet - Lettres de mon moulin.djvu/321

Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
EN CAMARGUE.


III

à l’espère ! (à l’affût !)


L’espère ! quel joli nom pour désigner l’affût, l’attente du chasseur embusqué, et ces heures indécises où tout attend, espère, hésite entre le jour et la nuit. L’affût du matin un peu avant le lever du soleil, l’affût du soir au crépuscule. C’est ce dernier que je préfère, surtout dans ces pays marécageux où l’eau des clairs garde si longtemps la lumière…

Quelquefois on tient l’affût dans le negochin (le naye-chien), un tout petit bateau sans quille étroit, roulant au moindre mouvement. Abrité par les roseaux, le chasseur guette les canards du fond de sa barque, que dépassent seulement la visière d’une casquette, le canon du fusil et la tête du chien flairant le vent, happant les moustiques, ou bien de ses grosses pattes étendues penchant