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LETTRES DE MON MOULIN.

chanoines l’écoutaient les yeux brillants et le sourire aux lèvres, voilà le Père Gaucher qui se précipite au milieu de la conférence en criant :

— C’est fini… Je n’en fais plus… Rendez-moi mes vaches.

— Qu’est-ce qu’il y a donc, Père Gaucher ? demanda le prieur, qui se doutait bien un peu de ce qu’il y avait.

— Ce qu’il y a, Monseigneur ?… Il y a que je suis en train de me préparer une belle éternité de flammes et de coups de fourche… Il y a que je bois, que je bois comme un misérable…

— Mais je vous avais dit de compter vos gouttes.

— Ah ! bien oui, compter mes gouttes ! c’est par gobelets qu’il faudrait compter maintenant… Oui, mes Révérends, j’en suis là. Trois fioles par soirée… Vous comprenez bien que cela ne peut pas durer… Aussi, faites faire l’élixir par qui vous voudrez… Que le feu de Dieu me brûle si je m’en mêle encore !