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À MILIANAH.

des chaises de paille… Tout autour de la salle, un long couloir, obscur, sans parquet… On se croirait dans la rue, rien n’y manque… La pièce est déjà commencée quand j’arrive. À ma grande surprise, les acteurs ne sont pas mauvais, je parle des hommes ; ils ont de l’entrain, de la vie… Ce sont presque tous des amateurs, des soldats du 3e ; le régiment en est fier et vient les applaudir tous les soirs.

Quant aux femmes, hélas !… c’est encore et toujours cet éternel féminin des petits théâtres de province, prétentieux, exagéré et faux… Il y en a deux pourtant qui m’intéressent parmi ces dames, deux juives de Milianah, toutes jeunes, qui débutent au théâtre… Les parents sont dans la salle et paraissent enchantés. Ils ont la conviction que leurs filles vont gagner des milliers de douros à ce commerce-là. La légende de Rachel, israélite, millionnaire et comédienne, est déjà répandue chez les juifs d’Orient.

Rien de comique et d’attendrissant comme