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LE POÈTE MISTRAL.

l’argent des poètes, on n’y touche pas.

Et la chambre est restée toute nue ; mais tant que l’argent des poètes a duré, ceux qui ont frappé chez Mistral ont toujours trouvé sa bourse ouverte…

J’avais emporté le cahier de Calendal dans la chambre, et je voulus m’en faire lire encore un passage avant de m’endormir. Mistral choisit l’épisode des faïences. Le voici en quelques mots :

C’est dans un grand repas je ne sais où. On apporte sur la table un magnifique service en faïence de Moustiers. Au fond de chaque assiette, dessiné en bleu dans l’émail, il y a un sujet provençal ; toute l’histoire du pays tient là dedans. Aussi il faut voir avec quel amour sont décrites ces belles faïences ; une strophe pour chaque assiette, autant de petits poèmes d’un travail naïf et savant, achevés comme un tableautin de Théocrite.

Tandis que Mistral me disait ses vers dans cette belle langue provençale, plus qu’aux trois quarts latine, que les reines ont parlée autrefois et que maintenant nos