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l’amant

Ah ! vilaine ! ah ! méchante ! toi que j’ai tant aimée, pour qui j’ai vécu, pour qui je suis mort, tu n’as pas même un regret, un souvenir, une larme à me donner en retour ! Rien ! Il ne reste plus rien pour moi dans ton cœur ; pas même de la haine, pas même du dégoût, rien que l’oubli, le triste oubli ! Tu ne le reconnais plus ce corps meurtri, dévasté ; ces traits, défigurés horriblement, tu ne veux plus les reconnaître ; et c’est toi pourtant la cause de ces meurtrissures et de cette dévastation ! C’est par toi, c’est pour toi que je suis ici ; c’est avec toi que j’y devrais être. Sans ton fatal amour, je n’aurais pas connu l’adultère ; je n’aurais pas connu le suicide. Eh bien ! pour toutes mes souffrances passées et à venir, pour prix de mes douleurs éternelles, de toi je ne veux qu’un souvenir. Parle, créature maudite, parle, femme bien-aimée, et dis-moi que tu te souviens !

saint pierre, ému.

Oh ! le pauvre enfant ! Il fait vraiment de la peine ; j’en suis tout ému. (Une grosse larme glisse le long de sa joue et va rouler dans l’enfer. Un damné la happe au passage.)

le damné.

Oh ! que c’est bon de boire !