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entre les jambes. Ce paquet de cordes le fit beaucoup rire et un peu rougir.

— Que je devais être ridicule, pensait-il, de traîner partout avec moi cette grande cage peinte en bleu et ce perroquet fantastique !…

Pauvre philosophe ! il ne se doutait pas que pendant toute sa vie il était condamné à traîner ainsi ridiculement cette cage peinte en bleu, couleur d’illusion, et ce perroquet vert, couleur d’espérance.

Hélas ! à l’heure où j’écris ces lignes, le malheureux garçon la porte encore, sa grande cage peinte en bleu. Seulement de jour en jour l’azur des barreaux s’écaille et le perroquet vert est aux trois quarts déplumé, pécaïre !

… Le premier soin du petit Chose, en arrivant dans sa ville natale, fut de se rendre à l’Académie, où logeait M. le recteur.

Ce recteur, ami d’Eyssette père, était un grand beau Vieux, alerte et sec, n’ayant rien qui sentît le pédant, ni quoi que ce fût de semblable. Il accueillit Eyssette fils avec une grande bienveillance. Toutefois, quand on l’introduisit dans son cabinet, le brave homme ne put retenir un geste de surprise.

— Ah ! mon Dieu ! dit-il, comme il est petit !

Le fait est que le petit Chose était ridiculement petit ; et puis, l’air si jeune, si mauviette !…

L’exclamation du recteur lui porta un coup terrible. « Ils ne vont pas vouloir de moi ! » pensa-t-il. Et tout son corps se mit à trembler.

Heureusement, comme s’il eût deviné ce qui se passait dans cette pauvre petite cervelle, le recteur