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Là-dessus, Camille Pierrotte s’encourt vite, toute confuse et le feu aux joues, comme si elle venait de mentir.

Le petit Chose reste seul ; mais il n’en dort pas mieux. La machine aux fins rouages fait le diable dans sa cervelle. Les fils de soie se croisent, s’enchevêtrent… Il pense à son bien-aimé qui dort dans l’herbe de Montmartre ; il pense aux yeux noirs aussi, à ces belles lumières sombres que la Providence semblait avoir allumées exprès pour lui et qui maintenant…

Ici, la porte de la chambre s’entrouvre doucement, comme si quelqu’un voulait entrer ; mais presque aussitôt on entend Camille Pierrotte dire à voix basse :

— N’y allez pas… L’émotion va le tuer, s’il se réveille…

Et voilà la porte qui se referme doucement, doucement, comme elle s’était ouverte. Par malheur, un pan de robe noire se trouve pris dans la rainure ; et ce pan de robe qui passe, de son lit le petit Chose l’aperçoit…

Du coup son cœur bondit ; ses yeux s’allument, et se dressant sur son coude, il se met à crier bien fort : « Mère ! Mère ! Pourquoi ne venez-vous pas m’embrasser ?… »

Aussitôt la porte s’ouvre. La petite robe noire, — qui n’y peut plus tenir, — se précipite dans la chambre ; mais au lieu d’aller vers le lit, elle va droit à l’autre bout de la pièce, les bras ouverts en appelant :