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froques théâtrales que j’avais sur moi au moment de l’enlèvement.

— Pardieu ! mon cher, me dit Jacques, on ne pense pas à tout. Il n’y a que les don Juan sans délicatesse qui songent au trousseau quand ils enlèvent une belle. Du reste, n’aie pas peur. Nous allons te faire habiller de neuf… Ce sera encore comme à ton arrivée à Paris.

Il disait cela pour me faire plaisir, car il sentait bien comme moi que ce n’était plus la même chose.

— Allons, Daniel, continua mon brave Jacques, en voyant ma mine redevenir songeuse, ne pensons plus au passé. Voici une vie nouvelle qui s’ouvre devant nous, entrons-y sans remords, sans méfiance, et tâchons seulement qu’elle ne nous joue pas les mêmes tours que l’ancienne… Ce que tu comptes faire désormais mon frère, je ne te le demande pas, mais il me semble que si tu veux entreprendre un nouveau poëme, l’endroit sera bon, ici, pour travailler. La chambre est tranquille. Il y a des oiseaux qui chantent dans le jardin. Tu mets l’établi aux rimes devant la fenêtre…

Je l’interrompis vivement : « Non ! Jacques, : plus de rimes. Ce sont des fantaisies qui te coûtent trop cher. Ce que je veux, maintenant, c’est faire comme toi, travailler, gagner ma vie, et t’aider de toutes mes forces à reconstruire le foyer. »

Et lui souriant et calme : « Voilà de beaux projets, monsieur le papillon bleu ; mais ce n’est point cela qu’on vous demande. Il ne s’agit pas de ga-