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IX
tu vendras de la porcelaine

Au dernier vers de mon poëme, Jacques, enthousiasmé, se leva pour crier bravo ; mais il s’arrêta net en voyant la mine effarée de tous ces braves gens.

En vérité, je crois que le cheval de feu de l’Apocalypse, faisant irruption au milieu du petit salon jonquille, n’y aurait pas causé plus de stupeur que mon papillon bleu. Les Passajon, les Fougeroux, tout hérissés de ce qu’ils venaient d’entendre, me regardaient avec de gros yeux ronds ; les deux Ferrouillat se faisaient des signes. Personne ne soufflait mot. Pensez comme j’étais à l’aise…

Tout à coup, au milieu du silence et de la consternation générale, une voix — et quelle voix ! — blanche, terne, froide, sans timbre, une voix de fantôme, sortit de derrière le piano et me fit tressaillir sur ma chaise. C’était la première fois, depuis dix ans, qu’on entendait parler l’homme à la