Page:Daudet - Le Petit Chose, 1868.djvu/198

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépense indispensable, et une dépense d’au moins cinq francs par mois… Où pourrait-on bien les décrocher, ces cinq francs-là ? L’argent du foyer est sacré, et sous aucun prétexte… Eh ! parbleu, j’ai notre affaire. Voici le mois de mars qui vient, et avec lui le printemps, la chaleur, le soleil.

— Eh bien ! Jacques ?

— Eh bien, Daniel, quand il fait chaud, le charbon est inutile : soit 5 francs de charbon, que nous transformons en 5 francs de bougie ; et voilà le problème résolu… Décidément ; je suis né pour être ministre des finances… Qu’en dis-tu ? Cette fois, le budget tient sur ses jambes, et je crois que nous n’avons rien oublié… Il y a bien encore la question des souliers et des vêtements, mais je sais ce que je vais faire… J’ai tous les jours ma soirée libre à partir de huit heures, je chercherai une place de teneur de livres chez quelque petit marchand. Bien sûr que l’ami Pierrotte me trouvera cela facilement.

— Ah ! çà, Jacques, vous êtes donc très liés, toi et l’ami Pierrotte ?… Est-ce que tu y vas souvent ?

— Oui, très souvent. Le soir, on fait de la musique.

— Tiens ! Pierrotte est musicien.

— Non ! pas lui, sa fille.

— Sa fille !… Il a donc une fille ?… Hé ! hé ! Jacques… Est-elle jolie, mademoiselle Pierrotte ?

— Oh ! tu m’en demandes trop pour une fois, mon petit Daniel… Un autre jour, je te répondrai. Maintenant, il est tard ; allons nous coucher.

Et pour cacher l’embarras que lui causent mes