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chambre, tisonne le feu, ferme les rideaux des croisées, puis s’approche de moi, me pose un manteau sur les pieds, m’embrasse au front et s’éloigne doucement avec un bruit de porte…

Je dormais depuis quelques heures, et je crois que j’aurais dormi jusqu’au retour de ma mère Jacques, quand le son d’une cloche me réveilla subitement. C’était la cloche de Sarlande, l’horrible cloche de fer qui sonnait comme autrefois : « Dig ! dong ! réveillez-vous ! dig ! dong ! habillez-vous ! » D’un bond je fus au milieu de la chambre, la bouche ouverte pour crier comme au dortoir : « Allons, messieurs ! » Puis, quand je m’aperçus que j’étais chez Jacques, je partis d’un grand éclat de rire et je me mis à gambader follement par la chambre. Ce que j’avais pris pour la cloche de Sarlande, c’était la cloche d’un atelier du voisinage qui sonnait sec et féroce comme celle de là-bas. Pourtant, la cloche du collège avait encore quelque chose de plus méchant, de plus en fer. Heureusement elle était à deux cents lieues ; et, si fort qu’elle sonnât, je ne risquais plus de l’entendre.

J’allai à la fenêtre, et je l’ouvris. Je m’attendais presque à voir au-dessous de moi la cour des grands avec ses arbres mélancoliques et l’homme aux clefs rasant les murs…

Au moment où j’ouvrais, midi sonnait partout. La grosse tour de Saint-Germain tinta la première ses douze coups de l’angélus à la suite, presque dans mon oreille. Par la fenêtre ouverte, les grosses notes lourdes tombaient chez Jacques trois par