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qu’il voulait. Entre la boutique noire d’un charbonnier et l’établissement d’un emballeur dont les planches de sapin adossées aux murailles lui causent un petit frisson, s’ouvre une porte cochère surmontée de son enseigne, le mot BAINS sur une lanterne blafarde. Il entre, traverse un petit jardin moisi où pleure un jet d’eau dans la rocaille. Voilà bien le coin sinistre qu’il cherchait. Qui s’avisera jamais de croire que le marquis de Monpavon est venu se couper la gorge là ?… La maison est au bout, basse, des volets verts, une porte vitrée, ce faux air de villa qu’elles ont toutes… Il demande un bain, un fond de bain, enfile l’étroit couloir, et pendant qu’on prépare cela, le fracas de l’eau derrière lui, il fume son cigare à la fenêtre, regarde le parterre aux maigres lilas et le mur élevé qui le ferme.

À côté c’est une grande cour, la cour d’une caserne de pompiers avec un gymnase dont les montants, mâts et portiques, vaguement entrevus par le haut, ont des apparences de gibets. Un clairon sonne au sergent dans la cour. Et voilà que cette sonnerie ramène le marquis à trente ans en arrière, lui rappelle ses campagnes d’Algérie, les hauts remparts de Constantine, l’arrivée de Mora au régiment, et des duels, et des parties fines… Ah ! comme la vie commençait bien. Quel dommage que ces sacrées cartes… Ps… ps… ps… Enfin, c’est déjà beau d’avoir sauvé la tenue.

« Monsieur, dit le garçon, votre bain est prêt. »

À ce moment, haletante et pâle, madame Jenkins entrait dans l’atelier d’André où l’amenait un instinct plus fort que sa volonté, le besoin d’embrasser son enfant avant de mourir. La porte ouverte, — il lui