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« Je suis la mère de Bernard Jansoulet… Je viens pour la séance de mon garçon. »

C’était bien la séance de son garçon en effet, car dans cette foule assiégeant les portes, dans celle qui remplissait les couloirs, la salle, les tribunes, tout le palais, le même nom se chuchotait accompagné de sourires et de racontars. On s’attendait à un grand scandale, à des révélations terribles du rapporteur qui amèneraient sans doute quelque violence du barbare acculé ; et l’on se pressait là comme pour une première représentation ou les plaidoiries d’une cause célèbre. La vieille mère n’aurait pu certainement se faire entendre au milieu de cette affluence, si la traînée d’or, laissée par le Nabab partout où il passait, et marquant sa trace royale, ne lui avait facilité tous les chemins. Elle allait donc derrière un huissier de service dans cet enchevêtrement de couloirs de portes battantes, de salles nues et sonores, emplies d’un bourdonnement qui circulait avec l’air du bâtiment, sortait de ses murailles, comme si les pierres elles-mêmes imprégnées de « parlotage » joignaient des échos anciens à ceux de toutes ces voix. En traversant un corridor elle vit un petit homme brun, qui gesticulait et criait aux gens de service :

« Vous direz à moussiou Jansoulet que c’est moi que ze souis le maire de Sarlazaccio, que z’ai été condamné à cinq mois de prison pour loui… Ça méritait bien oune carte pour la séance, corps de Dieu ! »

Cinq mois de prison à cause de son fils… Pourquoi cela ?… Très inquiète, elle arrivait enfin, les oreilles sifflantes, en haut d’un palier où des inscriptions différente « tribune du Sénat, du corps diplomatique, des députés » surmontaient des petites portes d’hôtel garni ou de loges de théâtre. Elle entrait, et sans rien voir