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— Non, tout près d’ici… Seulement, ce doit être déjà commencé. Et puis, ajouta le Giaour un peu gêné, c’est l’heure où madame a besoin de moi.

— Ah !… Est-ce que tu lui enseignes cette chose dont tu es professeur ? Comment dis-tu ça ?…

— Le massage… Ça nous vient des anciens… Justement, la voilà qui sonne. On va venir me chercher. Voulez-vous que je l’avertisse que vous êtes ici ?

— Non, non, j’aime bien mieux aller là-bas tout de suite.

— Mais vous n’avez pas de carte pour entrer ?

— Bah ! je dirai que je suis la mère de Jansoulet, et que je viens pour entendre juger mon fils. »

Pauvre mère ! elle ne croyait pas si bien dire.

« Attendez donc, madame Françoise. Je vais vous donner quelqu’un pour vous conduire, au moins.

— Oh ! tu sais, moi, la domestiquaille, je n’ai jamais pu m’y faire. J’ai une langue. Il y a du monde par les rues. Je trouverai bien mon chemin. »

Il tenta un dernier effort, sans laisser voir toute sa pensée :

« Prenez garde. Ses ennemis vont parler contre lui à la Chambre. Vous allez entendre des choses qui vous feront de la peine. »

Oh ! le beau sourire de croyance et de fierté maternelles avec lesquelles elle répondit :

« Est-ce que je ne sais pas mieux qu’eux tous ce que vaut mon enfant ? Est-ce que rien pourrait me le faire méconnaître ? Il faudrait que je sois une fière ingrate alors. Allons, zou ! »

Et secouant terriblement ses coiffes, elle partit.

Le buste droit, la tête haute, la vieille s’en allait à brusques enjambées, sous les grandes arcades qu’on