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XX
la baronne hemerlingue

Tout au bout de la longue voûte sous laquelle se trouvaient les bureaux d’Hemerlingue et fils, noir tunnel que le père Joyeuse avait pendant dix ans pavoisé et illuminé de ses rêves, un escalier monumental à rampe en fer ouvragé, un escalier du vieux Paris, montait vers la gauche aux salons de réception de la baronne prenant jour sur la cour juste au-dessus de la caisse, si bien que, pendant la belle saison, lorsque tout reste ouvert, le tintement des pièces d’or, le fracas des piles d’écus écroulées sur les comptoirs, un peu adouci par les hautes et moelleuses tentures des fenêtres, faisait un accompagnement mercantile aux conversations susurrées par le catholicisme mondain.

Cela donnait tout de suite la physionomie de ce salon non moins étrange que celle qui en faisait les honneurs, mêlant un vague bouquet de sacristie aux agitations de la Bourse et à la mondanité la plus raffinée, éléments hétérogènes qui se croisaient, se rencontraient là sans cesse, mais restaient séparés, comme la Seine sépare le noble faubourg catholique sous le patronage duquel s’était opérée l’éclatante conversion de la musulmane