Page:Daudet - Le Nabab, Charpentier, 1878.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XVIII
les perles de jenkis

Environ huit jours après son aventure avec Moëssard, complication nouvelle dans le terrible gâchis de ses affaires, Jansoulet en sortant de la Chambre, un jeudi, se fit conduire à l’hôtel de Mora. Il n’y était pas retourné depuis l’algarade de la rue Royale, et l’idée de se trouver en présence du duc faisait courir sous son solide épiderme quelque chose de la panique qui agite un lycéen montant chez le proviseur après une rixe à l’étude. Il fallait pourtant subir la gêne de cette première entrevue. Le bruit courait par les bureaux que Le Merquier avait terminé son rapport, chef-d’œuvre de logique et de férocité, concluant à l’invalidation et devant l’emporter haut la main, à moins que Mora, si puissant à l’Assemblée, ne vînt lui-même lui donner son mot d’ordre. Partie sérieuse, comme on voit, et qui enfiévrait les joues du Nabab, pendant que dans les glaces biseautées de son coupé il étudiait sa mine, ses sourires de courtisan, cherchant à se préparer une entrée ingénieuse, un de ses coups d’effronterie bon enfant qui avaient causé sa fortune chez Ahmed et le servaient encore