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s’agit, si vous pensez que, lorsque mademoiselle Élise frappait trois coups au plafond, elles s’imaginaient que c’était spécialement pour s’informer de la clientèle, vous êtes plus ingénus encore que le père Joyeuse.

— C’est bon, c’est bon, mesdemoiselles… Allez toujours vous habiller. »

Alors commence un autre refrain :

— Quelle robe faut-il mettre, Bonne-Maman ?… La grise ?…

— Bonne-Maman, il manque une bride à mon chapeau.

— Bonne-Maman, ma fille, je n’ai donc plus de cravate empesée.

Pendant dix minutes, c’est autour de la charmante aïeule un va-et-vient, des instances. Chacun a besoin d’elle, c’est elle qui tient les clés de tout, distribue le joli linge blanc fin tuyauté, les mouchoirs brodés, les gants de toilette, toutes ces richesses qui, sorties des cartons et des armoires, étalées sur les lits, répandent dans une maison l’allégresse claire du dimanche.

Les travailleurs, les gens à la tâche la connaissent seuls cette joie qui revient tous les huit jours consacrée par l’habitude d’un peuple. Pour ces prisonniers de la semaine, l’almanach aux grilles serrées s’entrouvre de distance en distance en espaces lumineux, en prises d’air rafraîchissantes. C’est le dimanche, le jour si long aux mondains, aux Parisiens du boulevard dont il dérange les manies, si triste aux dépatriés sans famille, et qui constitue pour une foule d’êtres la seule récompense, le seul but aux efforts désespérés de six jours de peine. Ni pluie ni grêle, rien n’y fait, rien ne les empêchera de sortir, de tirer derrière eux la porte de l’atelier désert, du petit logement étouffé. Mais quand