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des marquises de Bois-Landry croise la toilette plus que modeste de quelque femme ou fille d’artiste, tandis que le modèle, qui a posé pour cette belle Andromède de l’entrée, passe victorieusement, habillée d’une jupe trop courte, de vêtements misérables jetés sur sa beauté avec tous les faux plis de la mode. On s’étudie, on s’admire on se dénigre, on échange des regards méprisants, dédaigneux ou curieux, arrêtés tout à coup au passage d’une célébrité, de ce critique illustre qu’il nous semble voir encore, tranquille et majestueux, sa tête puissante encadrée de cheveux longs, faire le tour des envois de sculpture, suivi d’une dizaine de jeunes disciples penchés vers son autorité bienveillante. Si le bruit des voix se perd dans cet immense vaisseau, sonore seulement aux deux voûtes de l’entrée et de la sortie, les visages y prennent une intensité étonnante, un relief de mouvement et d’animation concentré surtout dans la vaste baie noire du buffet, débordante et gesticulante, les chapeaux clairs des femmes, les tabliers blancs du service éclatant sur le fond des vêtements sombres, et dans la grande travée du milieu, où le fourmillement en vignette des promeneurs fait un singulier contraste avec l’immobilité des statues exposées, la palpitation insensible dont s’entourent leur blancheur calcaire et leurs mouvements d’apothéose.

Ce sont des ailes figées dans un vol géant, une sphère supportée par quatre figures allégoriques dont l’attitude tournante présente une vague mesure de valse, un ensemble d’équilibre donnant bien l’illusion de l’entraînement de la terre ; et des bras levés pour un signal, des corps héroïquement surgis, contenant une allégorie, un symbole qui les frappe de mort et d’immortalité, les rend à l’histoire, à la légende, à ce monde idéal