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à côté de célébrités parisiennes, des préfets, des députés, tous en tenue, l’épée au flanc, des maires en écharpe, de bons curés rasés de frais, lorsque Jansoulet, en habit noir et cravate blanche, entouré de ses convives, sortit sur le perron et qu’il vit dans ce cadre splendide de nature pompeuse, au milieu des drapeaux, des arcs, des trophées, ce fourmillement de têtes, ce flamboiement de costumes s’étageant sur les pentes, au tournant des allées, ici, groupées en corbeille sur une pelouse, les plus jolies filles d’Arles, dont les petites têtes mates sortaient délicatement des fichus de dentelles ; au-dessous, la farandole de Barbentane, ses huit tambourins en queue, prête à partir, les mains enlacées, rubans au vent, chapeau sur l’oreille, la taillole rouge autour des reins ; plus bas, dans la succession des terrasses, les orphéons alignés tout noirs sous leurs casquettes éclatantes, le porte-bannière en avant, grave, convaincu, les dents serrées, tenant haut sa hampe ouvragée ; plus bas encore, sur un vaste rond-point transformé en cirque de combat, des taureaux noirs entravés et les gauchos camarguais sur leurs petits chevaux à longue crinière blanche, les houzeaux par-dessus les genoux, au poing le trident levé ; après, encore des drapeaux, des casques, des baïonnettes, comme cela jusqu’à l’arc triomphal de l’entrée ; puis, à perte de vue, de l’autre côté du Rhône, sur lequel deux compagnies du train venaient de jeter un pont de bateaux pour arriver de la gare en droite ligne à Saint-Romans, une foule immense, des villages entiers dévalant par toutes les côtes, s’entassant sur la route de Giffas dans une montée de cris et de poussière, assis au bord des fossés, grimpés sur les ormes, empilés sur les charrettes, formidable haie vivante du cortège ; par là-des-