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Adieu, femme, enfants, les miens, choses de mon cœur…

Adieu, moi, cher moi, si voilé, si trouble…

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Au lit. Dysenterie. Deux piqûres de morphine par jour, environ vingt degrés. Depuis, impossible de m’en déshabituer. Mon estomac s’acclimate un peu ; à cinq, six gouttes, je ne vomis plus, mais je ne peux plus manger. Obligé de continuer le chloral.

Morphine prise auparavant, sommeil très bon. Si piqûre dans la nuit, après le chloral, sommeil interrompu, fini jusqu’au matin. Agitation, toutes les idées en rumeur, succession frénétique d’images, de projets, sujets — lanterne magique. Le lendemain, fumée dans la tête, disposition au tremblement.

Chaque piqûre interrompt la douleur pour trois ou quatre heures. Après viennent les « guêpes », ardillonnements ça et là précédant la douleur cruelle, installée.


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Stupeur et joie de trouver des êtres qui souffrent comme vous. Duchesne de Boulogne venant réveiller le vieux Privat un soir : « Tous ataxiques ! »

L’histoire de X*** m’apparaît aujourd’hui dans tout son navrement. Ténèbres où il a vécu, avec ce mal de la moelle qui le tenaillait déjà, qu’il traînait partout sans que personne, dans ce temps-là, y