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que cette corde libératrice au long de laquelle des nœuds espacés lui permettaient de respirer de temps en temps.

La chienne enfin sauvée et quand il eut rejoint ses compagnons, ils continuèrent à descendre, détachant et rattachant leur corde à quatre reprises. La distance qu’ils parcoururent ainsi mesurait plus de trois cents mètres. À cet endroit, les pentes de la montagne devenaient plus douces et quoique couvertes de neige présentaient de moindres périls. Cependant, ils eurent encore une alerte. Girod, qui marchait devant, disparut dans un trou d’où ses compagnons eurent le plus grand mal à le retirer. Ils atteignirent enfin un terrain droit d’où il leur fut aisé de rejoindre la grande route et de gagner la frontière suisse.

Ils n’étaient pas encore sauvés. Ils avaient décidé de se rendre en Angleterre et d’aller s’embarquer à Husum sur la Baltique. Les pays qu’ils avaient à parcourir pour arriver dans ce petit port étaient occupés pour la plupart par les armées françaises. Les autorités locales étaient tenues d’obéir aux généraux de Napoléon. Partout, sur leur chemin, les fugitifs trouvaient des récits de leur fuite invraisemblable, leur signalement dressé par la police impériale, des ordres déjà donnés en vue de leur arrestation. Ce ne fut que par miracle qu’ils évitèrent les pièges qui leur étaient tendus de tous côtés. Mais il ne leur fallut pas moins de deux mois pour arriver au terme de leur voyage. Ils s’étaient enfuis du fort de Joux le 27 janvier ; ils débarquèrent à Harwick, en Angleterre, le 27 mars.

De toutes les évasions accomplies sous le Consulat et l’Empire, celle de Moulin et de ses trois compagnons est assurément la plus émouvante et la moins croyable, un hasard malheureux ayant dirigé les efforts des fugitifs du côté où les rochers du fort de Joux sont le plus