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reproduit, il raconte qu’un matin le commandant se présenta dans sa prison en disant :

– On m’assure que vous sciez les barreaux de votre prison.

Le visage de d’Andigné ne trahit pas la moindre émotion.

– Regardez et touchez, répliqua-t-il.

Le commandant s’approche de la fenêtre, touche deux barreaux, essaye de les ébranler, les trouve intacts et se retire tranquille. Un hasard avait permis qu’il mît la main sur les deux seuls barreaux que le prisonnier n’eût pas encore sciés.

C’était pour d’Andigné jouer de bonheur. Il ne douta plus du succès de son entreprise. Dans la soirée du 3 juillet, il l’exécuta sous une pluie diluvienne. À l’aide de ses cordes, il commença sa périlleuse descente. Il s’était muni d’un piquet qu’il plantait de distance en distance pour l’aider à se soutenir le long du roc taillé à pic et au pied duquel s’ouvrait l’abîme. Il espérait ainsi arriver en bas sans encombre. Mais cet espoir fut trompé. Le piquet se rompit et le fugitif tomba d’une hauteur de plusieurs étages. Par bonheur, les broussailles amortirent sa chute. Quand il eût pu être tué, il en fut quitte pour un pied foulé et d’affreuses écorchures sur tout le corps. Il se releva et, traînant la jambe, après avoir trompé par son sang-froid des gendarmes rencontrés en chemin, il fit dix lieues pour gagner le château de Bouvesse dont la propriétaire, Mme  de Vallier, le soigna durant six mois. Peu après, il était hors de France où, après diverses aventures, il rentra en 1814. Sa fuite découverte, le commandant Chéron dut abandonner son poste pour aller rendre compte de sa conduite devant un conseil de guerre. Disons en passant qu’il y fut acquitté, le conseil ayant