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Le ministère de la Police ayant été supprimé au mois de mars 1803 et le grand juge Régnier ayant hérité des attributions qu’exerçait Fouché, cette bienveillance se ralentit, mais sans cesser entièrement. Elle fut intermittente et capricieuse. Mme de Bourmont, qui jusqu’à ce jour avait pu sortir de la citadelle à son gré et entretenir des relations avec la société de Besançon, dut renoncer à ses allées et venues et se résigner à rester prisonnière, d’abord seule avec son mari, puis avec ses enfants.

En réalité, la rigueur des mesures dont Bourmont et son aide de camp étaient l’objet tenait à la crainte de les voir s’évader ; cette crainte obsédait le commandant du fort, un brave homme nommé Chéron. Il s’ingéniait à adoucir le sort de ses prisonniers. Souvent même il les invitait à sa table ou à passer la soirée chez lui. Hingant de Saint-Maur jouait du violon. Bourmont racontait ses campagnes en Vendée. Ses relations avec le commandant étaient devenues familiales et n’eussent été jamais altérées sans l’inquiétude qui dévorait celui-ci. Mais sa responsabilité l’écrasait, était pour lui un souci de tous les instants.

Ce fut pire encore quand il apprit qu’on lui envoyait de Paris pour tenir garnison dans la citadelle un bataillon d’infanterie presque entièrement composé de Vendéens[1]. Il se vit dès lors à la merci d’un coup de main tenté par ce bataillon en faveur de Bourmont à qui les soldats présentaient les armes et que les officiers, en lui parlant, appelaient « général ». Pour le rassurer, Bourmont dut s’engager sur l’honneur à ne jamais tenter de s’évader, tant que lui, Chéron, commanderait la place.

  1. Ces détails, extraits des Archives du Doubs, ont été publiés dans les Archives Franc-Comtoises, par M. Lieffroy.