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cédèrent tout à coup. Il fut précipité à vingt mètres au-dessous. D’Andigné le crut mort. Mais, bientôt, il l’entendit qui l’appelait. Sans hésiter, il s’abandonna et, comme un corps inerte, roula jusqu’à son compagnon auprès duquel il arriva contusionné, meurtri, ses vêtements en lambeaux. Ils durent leur salut à cet accident qui leur fit franchir en quelque sorte malgré eux les passages les plus périlleux du trajet.

Le reste de la descente ne fut qu’un jeu. Bientôt ils atteignaient la route. Un des biographes de d’Andigné raconte qu’un paysan qui les vit tomber devant lui des flancs de la montagne dans un tourbillon de poussière et de cailloux crut à une apparition diabolique et s’enfuit épouvanté, en faisant le signe de la croix. Ils le firent aussi ; mais c’était pour remercier Dieu. Quelques jours plus tard, ils arrivaient à Fontainebleau où ils étaient assurés de trouver un asile chez des amis fidèles. Ils y restèrent cachés durant plusieurs mois, tandis que la police les cherchait de tous côtés.

Enfin, las de leur existence captive, ils firent savoir au premier Consul qu’ils étaient disposés à se soumettre s’il prenait l’engagement de ne pas les emprisonner. Il répondit favorablement à leur requête et les autorisa à choisir pour y demeurer une ville du Midi, en s’engageant à n’en pas sortir. D’Andigné choisit Grenoble et Suzannet Valence. Ils y restèrent en repos, oubliés en apparence, mais toujours surveillés jusqu’en 1807.

À cette époque, la découverte de la conspiration de Georges, bien qu’ils y fussent étrangers, de nouveau les rendit suspects. Des avis secrets transmis de Paris à chacun d’eux leur firent savoir qu’on se préparait à les arrêter. Suzannet n’hésita pas à se cacher. Quant à d’Andigné, il ne voulut pas suivre cet exemple, convaincu que Bonaparte tiendrait ses promesses comme il