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dant la durée de cette opération laborieuse, n’en rien laisser découvrir par les geôliers. Il fallait ensuite, à la faveur de la nuit, gagner le pied des murailles inférieures, en trompant la surveillance des factionnaires et de là se lancer sur les pentes raides de la montagne pour arriver jusqu’à la route. Rien que l’aspect de ces pentes eût suffi à décourager des hommes moins audacieux que les deux prisonniers. Mais nul péril ne pouvait les effrayer.

D’ailleurs un incident, en apparence sans portée, accrut leur audace et leur espoir. Un jour ils aperçurent des enfants qui, tout en jouant, étaient parvenus à gravir les rochers jusqu’à la première enceinte et descendaient, au risque de se casser le cou, en se laissant rouler à travers les arbustes et les ronces auxquels ils s’accrochaient pour ralentir la rapidité de la descente. Ce spectacle leur démontra que ce que faisaient ces enfants eux-mêmes pourraient le faire. Dès lors, ils songèrent avec plus de passion à se rendre libres.

Pour scier les barreaux, des instruments leur étaient nécessaires. Afin de se les procurer, ils recoururent à des complices, le traiteur qui préparait leurs repas et le médecin du fort, deux hommes compatissants qu’avait émus leur infortune. Par eux, ils obtinrent des ressorts d’horlogerie, taillés en scie. On les leur envoyait, cachés dans les viandes et le pain de leurs repas. Ils se mirent aussitôt à l’œuvre.

Chaque soir, les feux éteints, ne conservant qu’une faible lumière qu’ils cachaient au moyen d’une couverture tendue devant leur croisée, ils démolissaient peu à peu les obstacles qui s’opposaient à leur fuite. Ce que fut ce travail, au milieu de quelles inquiétudes, de quelles alertes, de quelles craintes d’être surpris, ils le poursuivirent, on ne saurait s’en rendre compte qu’en