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ronnées de ténèbres, pleines de contradictions qui ne permettent pas plus de préciser les origines et la fin de ces personnages que leurs aventures. Toujours par quelque côté, ils se dérobent, déconcertant les hypothèses les plus vraisemblables, tant sont rares et confuses dans les dossiers qui portent leur nom les pièces qui les concernent. La bande qui avait enlevé l’abbé Rougier tandis qu’on le conduisait à Paris était commandée par un ancien émigré nommé Rochejean. Pour cet exploit, celui-ci avait reçu 12,000  francs  du Comité royaliste de Lyon. Il s’était flatté de n’être pas dénoncé. Mais il le fut bientôt et devint l’objet d’ardentes poursuites. Soit qu’il considérât comme impossible de s’y soustraire, soit qu’il espérât obtenir sa grâce en faisant des révélations, il alla se livrer et offrit de se vendre. Le billet suivant, où se trouve exprimée l’opinion que Desmarets avait de lui, mérite d’être cité : « Il s’offre, il est bon à employer, il a des antécédents bons à connaître. Je prie M. Saladin de le mettre en communication avec moi. »

De son côté, le grand juge Régnier, à qui Rochejean avait adressé une lettre pour se plaindre d’être détenu et de ne pouvoir faire entendre sa défense, écrivait : « Cette lettre, dont quelques phrases sont louches et menaçantes, mérite attention, vu la position désespérée et le caractère de celui qui l’a écrite… C’est un homme déterminé, qui a commis des brigandages contre les fonds publics. Je n’ai point connaissance qu’il ait assassiné, bien que je l’en aie soupçonné…, mais c’est un homme utile. Il faut relever cette âme abattue. On peut lui promettre de révoquer le mandat lancé contre lui. Je le verrai ensuite, si cela est nécessaire. » En ces lignes, extraites d’un document authentique, est pris sur le vif le procédé à l’aide duquel la police transformait en