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D’ailleurs, La Morlière ne se rebute pas. Bientôt il se présente derechef avec des offres plus tentantes. Le parti royaliste, dans la région lyonnaise, est sous les ordres du chevalier de Puyvert. C’est ce conspirateur que La Morlière prétend livrer, à la condition toutefois qu’on le mettra lui-même en état de rembourser à celui qu’il veut trahir une somme de trois mille francs qu’il lui a précédemment empruntée. Débiteur scrupuleux, il ne saurait mettre la police sur les traces de son créancier sans s’être acquitté envers lui. Il sollicite du préfet de Gap un passeport pour se rendre à Paris. Le préfet consulte Desmarets. Celui-ci répond : « Cet individu m’a fait des propositions très déplacées qui ne m’ont plus permis d’avoir confiance en lui. Vous pouvez lui délivrer néanmoins le passeport qu’il demande. »

À quelles propositions faisait allusion Desmarets ? On n’en sait rien. De l’examen du dossier ne résulte qu’un fait positif, c’est que La Morlière lui avait été antérieurement recommandé par le préfet d’Angoulême et qu’il s’en était servi. La chose était de notoriété publique. On en trouve la preuve dans cette lettre du commissaire général de police de Lyon, datée du 27 mars 1801, au sujet d’un autre espion sur lequel les détails manquent et qui redoutait les vengeances des chouans : « Le crime d’assassinat a peut-être été plus d’une fois exécuté sur ceux qu’ils ont cru les avoir dénoncés. Pizelet en a la crainte pour sa personne et m’a cité l’exemple d’un des leurs, nommé Édouard, ci-devant garde du corps, et qu’ils désignent dans leur correspondance sous le nom d’« infâme Caroline », pour la punition duquel ils ont donné des ordres. »

En dépit de ces antécédents et des offres qu’il apporte, La Morlière est d’abord mal reçu à Paris. Durant plusieurs jours, malgré ses efforts, il ne peut arriver à