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décida à ouvrir. Trois ou quatre des chouans se précipitèrent dans la maison, conduits, non par Duchemin, qui n’avait osé entrer, mais par le nommé Fardel. Ils saisirent au collet Becdelièvre et Laisné, en disant :

– Il faut nous suivre.

– Laissez-moi prendre mon chapeau, objecta Becdelièvre.

– Tu n’en as pas besoin, répliqua brutalement Fardel.

On les entraîna. Le jardinier reçut l’ordre de marcher devant pour guider dans la nuit la petite troupe. On les conduisit à une courte distance, au bord de la mer, au lieu-dit le Bourdoux.

– Nous allons les fusiller là, dit Fardel.

Sous cette menace, Becdelièvre se révolta, Laisné demanda grâce, et le jardinier supplia les chouans de ne pas massacrer ces deux hommes sans défense. Protestations et prières furent vaines. Alors, le jardinier réclama. Il ne voulait pas être témoin de cet assassinat. On lui permit de s’éloigner. Il s’enfuit, poursuivi longtemps par les cris des condamnés, qui furent entendus aussi du manoir de Kernavallo. Ce qui se passa après sa fuite est resté ignoré. On ne put même découvrir à quelle place les victimes de la colère de Georges avaient été enterrées. On raconta qu’après l’exécution les cadavres avaient été jetés à la mer.

Il est à remarquer que la police ne mit pas plus de zèle à rechercher les meurtriers qu’elle n’en mit à divulguer ces tragiques événements. Ce fut seulement en 1804 que, lors de l’instruction judiciaire qui précéda le procès de Georges, l’accusation les releva à sa charge, sans du reste en avouer les causes. Georges, interrogé sur le sort de Becdelièvre, répondit :

– Est-ce pour cela que vous me jugez ? En tous les