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fût faite de ces gens qu’il considérait comme des assassins. Il en confia l’exécution à l’un de ses anciens chouans, le nommé Jean-Marie Trébuer, dit Jacques Duchemin. Cet homme commença par refuser, soit qu’il eût peur de se compromettre, soit qu’il répugnât à cette besogne de bourreau. Mais, menacé d’être passé par les armes, il dut obéir.

Le 23 décembre, il vint avec une demi-douzaine de camarades s’embusquer dans un bois de sapins, attenant à la métairie de Kerblay, dépendant du manoir de Kernavallo. Cachée en cet endroit, la petite bande attendit la nuit. Elle savait Becdelièvre et Laisné partis en excursion depuis le matin, et voulait les enlever au passage quand ils rentreraient. Au déclin du jour, elle les vit approcher. Mais ils n’étaient pas seuls. Avec eux se trouvaient diverses personnes habitant le château et un guide du pays, Julien Mehé. Ce dernier, qui marchait en avant, entendit Duchemin et ses compagnons courir dans le bois. – Qui vive ? s’écria-t-il.

Ils ne répondirent pas, et disparurent. Mais, vers sept heures, ils vinrent frapper à la porte du manoir. Le jardinier Julien Houssaye accourut à leur appel, et, mal impressionné par leurs allures menaçantes et les armes qu’ils portaient, il leur demanda, sans ouvrir, ce qu’ils voulaient. Ils nommèrent Becdelièvre et Laisné, qui, prévenus aussitôt, accoururent, suivis des habitants du château, faits depuis longtemps aux habitudes des chouans, et accoutumés à les redouter.

Becdelièvre était en sabots et sans chapeau.

– De la part de qui venez-vous ? fit-il.

– De la part du général.

– Quel général ?

On ne lui répondit pas. Alors, et malgré l’avis contraire de sa sœur et des gens qui l’entouraient, il se