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le rôle singulier accepté par eux que pour avertir la bande des Bretons. Dès ce moment, elle disparut sans qu’on pût retrouver ses traces.

Ce fut une déconvenue pour la police. Elle s’en vengea sur l’un des membres de l’agence anglaise, le chevalier Charles-Nicolas de Margadel, dit de Joubert. Accusé d’avoir un dépôt d’armes dans Paris, d’entretenir une escouade d’agents et d’avoir pris part à l’arrestation d’un courrier sur la route de Paris à Mézières, ce malheureux fut arrêté chez sa maîtresse, à Saint-Germain, conduit d’abord au Temple, puis à Sainte-Pélagie, et renvoyé devant une commission militaire. Le 19 novembre, il était fusillé[1]. Il ne put être établi qu’il avait eu des rapports avec les agents de Georges.

Cinq semaines après son exécution, la police cherchait en vain ceux-ci, lorsque dans la soirée du 3 nivôse (24 décembre), éclata sur le passage du premier Consul la machine infernale. De quelque violence qu’on supposât les chouans capables, on leur croyait cependant une noblesse de sentiments qui devait répugner à l’emploi de moyens aussi lâches et aussi scélérats. Et puis, la police s’était faite à l’idée que leur projet consistait à attaquer le premier Consul au milieu de sa garde. C’est uniquement en vue de ce projet dont l’existence résultait des pièces saisies à l’agence anglaise, qu’on les surveillait. Loin de les soupçonner, d’abord, d’être les auteurs de l’abominable attentat qui venait d’être commis,

  1. Il n’existe d’autre trace de son procès et de son exécution qu’une mention laconique. Le comte de Martel, dans ses études sur cette époque, cherche à établir que Margadel fut exécuté uniquement parce que Bonaparte voulait intimider les chouans en frappant l’un d’eux. Il avait désigné d’Andigné et Suzannet. Mais Fouché, qui avait promis à Bourmont de ne pas attenter à leurs jours, leur aurait substitué Margadel. Je n’ai retrouvé aucune preuve de ces dires.