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D’après les notes de l’agent de Fouché, cet abbé aurait été un assez triste sire, intrigant, libertin, lié avec Pitt dont il avait été le condisciple à Reims. Par son intermédiaire, il reçut une pension de l’Angleterre pendant toute la durée de l’émigration, laquelle s’augmenta des ressources qu’il se serait procurées comme agent politique, dépourvu de préjugés. Ces accusations étaient-elles fondées ? Je l’ignore. Je n’ai rien pu découvrir de plus sur ce singulier personnage, si ce n’est que son nom ne figure pas sur l’état du personnel du ministère des Affaires étrangères.

Cependant, comme il est dit dans le dossier que, sur la recommandation de Talleyrand, Junot, lorsqu’il fut envoyé en Portugal, en 1806, emmena l’abbé de Lajarre comme secrétaire, il se pourrait bien qu’on ait désigné sous ce nom un certain abbé de Cherval, qui accompagnait Junot, et dont parle en ses mémoires la duchesse d’Abrantès. Mais ce n’est là qu’une supposition. Nous sommes ici en présence d’un de ces mystères si véritablement impénétrables, que soulève à tout instant l’étude des hommes et des choses de cette époque. On découvre soudain un personnage inconnu ; on saisit à des traits positifs sa participation à des événements retentissants. Puis, brusquement, on perd sa trace, et il faut se résigner à ne savoir ni ce qu’il est devenu, ni comment il a fini.

C’est là l’histoire d’un certain Pierre-Charles-Marie Duclaux, marquis de Bézignan, né à Mirabel, dans la Drôme, qui fut un ardent conspirateur royaliste et dut jouer un rôle important parmi les partisans des Bourbons, à en juger, du moins, par les procès où il est question de lui. Il m’a été impossible, en dépit des recherches les plus minutieuses, de fixer son sort et de préciser comment se dénoua son existence aventureuse.