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pour premier amant le général de Billy, puis plusieurs officiers du Royal-cavalerie et du Régiment d’Alsace. L’un d’eux, le lieutenant de Saint-Martin, l’enleva au moment de la Révolution et la conduisit à Fribourg-en-Brisgau, où il la présenta comme sa femme et la laissa pour aller prendre du service dans le régiment de Hohenlohe à l’armée de Condé. En son absence, elle séduisit le bourgmestre et eut diverses liaisons. En 1793, elle va à Rastadt. Elle est la joie des officiers du prince de Condé et du duc de Bourbon : M. de Palarin, le comte de Maran, le comte Ferretti. Elle passe ensuite au jeune prince de Metternich. Elle est à Rastadt au moment du Congrès. Bientôt, criblée de dettes, elle va rejoindre son mari à Munster, en continuant, malgré la présence de ce dernier, sa folle existence. Elle accouche d’une fille bossue et se rend à Paris où elle espère retrouver les députés qu’elle a connus au Congrès. Mais la misère la poursuit. Elle écrit alors à l’abbé de Lajarre, qui a été de ses amants, pour solliciter son appui. Il la place, on ne sait en quelle qualité, auprès du prince Henri de Wurtemberg, marié à une comédienne de Berlin. Elle n’y reste pas, et finalement vient s’échouer à Altona, chez Dumouriez, qui la garde, malgré Mme de Beauvert, ses menaces et ses fureurs. » Quelle délicieuse épopée d’aventurière, résumée en ces quelques lignes !

Il est vrai que l’histoire des émigrés est pleine d’épisodes du même genre, que la police de Fouché excellait à reconstituer, sans trop se préoccuper de la question de savoir si les renseignements qu’elle recueillait n’étaient pas plus calomnieux que vrais. C’est ainsi que ceux qu’elle réunit dans le même dossier sur l’abbé de Lajarre lui-même ne sont guère plus édifiants, bien qu’il s’agisse d’un ancien vicaire général de Reims, frère d’un sous-gouverneur du duc d’Angoulême et du duc de Berry.