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des créatures humaines s’agiter, souffrir, être tour à tour heureuse et accablées d’infortunes, périr même, à travers des événements qui les ont emportées à l’oubli. Aucun des sentiments de l’âme – amour, jalousie, colère, besoin de vengeance – ne fait défaut à ces aventures, tantôt comiques, tantôt tragiques. Les femmes y tiennent une grande place, y jouent un rôle important et on sait quelle physionomie elles impriment aux choses qu’elles touchent et au milieu desquelles elles passent.

Le 24 septembre 1806, en dépouillant la correspondance de ses agents secrets, Fouché trouve une lettre signée Martelli, datée de Londres et ainsi conçue :

« Surveiller à Paris un abbé de Lajarre, employé au ministère des Relations extérieures. Ce Lajarre, ancien amant de la comtesse de Saint-Martin, actuellement maîtresse de Dumouriez, correspond avec elle, et c’est grâce à lui que l’on sait, en Angleterre, tout ce qui se passe en France. Ces renseignements m’ont été fournis par le chevalier de Blin, aide de camp de Dumouriez, qui, las de la vie qu’il mène, veut se réconcilier avec la France. »

Qu’y a-t-il de vrai dans cette dénonciation si précise et si nette ? Dumouriez, à cette époque, a soixante-sept ans et une liaison officielle, déjà ancienne, avec Mme de Beauvert, baronne d’Angel, sœur de Rivarol. Est-il vraisemblable qu’à son âge il ait encore des aventures galantes et un double ménage ? D’autre part, Fouché acquiert vite la preuve que, au ministère des Affaires étrangères, il n’y a pas d’abbé de Lajarre. Il fait donc demander à l’agent Martelli, ou à un autre, de nouveaux renseignements. Il les reçoit et les joint à la première lettre, à la suite de laquelle je les ai lus.

« La comtesse de Saint-Martin, y est-il dit, est la fille d’un marchand de Strasbourg nommé Savin. Elle eut