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En voici un, par exemple, concernant le général Souham, un soldat qui fut une des gloires militaires du Premier Empire et dont le souvenir s’est perdu parmi celui d’autres vaillants tels que lui. Souham fut un moment compromis dans les affaires de Moreau et de Pichegru. On l’arrêta ; il fut jeté au Temple et y resta jusqu’à ce que son innocence eût été reconnue. Son dossier nous apprend qu’avec lui furent arrêtés sa femme, qui avait été comédienne, leurs enfants, un certain abbé David qui était leur commensal. Tous ces braves gens vivaient en plaisirs et en fêtes au château de Pompadour, près Lubersac, qui appartenait au général. Le jeu, la chasse, la comédie, les bals charmaient et occupaient leur villégiature. Les gendarmes les enlevèrent un matin, et en route pour Paris.

Du reste, à l’occasion de ce complot, il y eut plusieurs centaines d’arrestations. Les gens qui avaient logé les conspirateurs, même sans les connaître, ceux qui les avaient nourris, ceux qui leur avaient prêté de l’argent, fourni les choses les plus nécessaires à la vie, tous, même leur blanchisseuse, furent incarcérés, sur un simple indice, sur une dénonciation. Dix ans après, en 1814, plusieurs d’entre eux étaient encore détenus : je parle de ceux qui n’avaient été l’objet d’aucun jugement.

En ce temps-là, plus encore qu’aujourd’hui, il ne fait pas bon d’entrer en prison, même lorsqu’on n’a rien à se reprocher. On sait bien quand on y entre, mais non quand on en sortira. La police est oublieuse, et tant de préoccupations l’obsèdent ! Toutes les prisons de France regorgent de détenus, condamnés ou simplement victimes d’une mesure de haute police, prisonniers de guerre, venus de tous les coins de l’Europe, sans parler des milliers d’individus internés par ordre dans telle ou telle ville et soumis à ce titre, aux plus humiliantes,