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d’État a conservé ceux-là tels qu’il les a reçus, avec la table alphabétique des noms qui s’y trouvent cités, table obscure et confuse, qui ne répond pas à la réalité des documents existants et qui est cependant l’unique clé à l’aide de laquelle il soit possible d’y pénétrer.

Pour faciliter les recherches à travers ces volumineuses paperasses, qui contiennent, en leurs feuillets poussiéreux et jaunis par le temps, tant de drames pathétiques, obscurs et oubliés, il faudrait en opérer un classement nouveau, précédé d’un examen portant successivement sur chaque dossier et sur son contenu. Peut-être alors retrouverait-on des papiers qu’on croit perdus ou détruits, tels que ceux qui concernent Frotté ou Georges Cadoudal. Il est certain que, depuis 1814, trop de gens ont eu intérêt à faire disparaître des pièces accusatrices ou compromettantes pour qu’on puisse se flatter de combler toutes les lacunes. On doit supposer, cependant, que divers dossiers demeurés encore introuvables sont confondus avec d’autres auxquels ils ne se rapportent en rien, qu’ils restent ainsi dissimulés sous des étiquettes menteuses, dans un oubli d’où pourrait seul les faire sortir un grand travail d’entier remaniement.

Du reste, tels qu’ils sont, les dossiers de la police impériale constituent, pour quiconque s’attacherait à en sonder le contenu, historien, romancier, auteur dramatique, une mine inépuisable. Ce qu’ils mettent plus spécialement en lumière, d’après des pièces incontestablement authentiques, ce sont les procédés, les habitudes de ruse et d’intrigue de Fouché et de ses agents. Le ministère que dirigeaient ceux-ci s’occupait de tout, veillait à tout, avait la main à tout. De là l’extrême diversité des dossiers qu’il a légués à la postérité et leur passionnant intérêt.